Accueil | Nouveautés | Votre sélection | Livres de chevet | Archives | Coups de coeur | Cadavre exquis | Humeurs | Liens | Ecrivez-nous
 

 

 

Titre : L'archipel du Goulag

Auteur : Alexandre Soljénitsyne

Date de publication : 1973

Genre : essai d'investigation littéraire

Critique publiée sur le site le : 5 janvier 2003

 

"Le coeur contraint, je me suis abstenu des années durant de faire imprimer ce livre pourtant achevé. Le devoir envers ceux qui étaient encore en vie l'emportait sur celui envers les morts. Mais aujourd'hui que, de toute façon, la Sécurité d'Etat s'est emparée de l'ouvrage, il ne me reste plus rien d'autre à faire qu'à le publier sans délai." Alexandre Soljénitsyne, septembre 1973.

L'archipel du Goulag n'est pas un roman. Bien qu'il soit parfois difficile de le croire, il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'un essai d'investigation littéraire construit à partir du témoignage de 227 personnes, outre l'auteur lui-même, qui ont été les victimes des persécutions infligées à l'aveuglette par l'Etat communiste soviétique. 

 

L'histoire : Elle est commune à tous ceux qui ont vécu, d'une manière ou d'une autre, les arrestations, les interrogatoires, les tortures, les jugements et enfin, le système concentrationnaire soviétique, ou Goulag, organisme essentiel de la politique de terreur prônée par Staline et ses hommes. L'oeuvre se décline en trois tomes et six parties, le premier tome n'évoquant que les deux premières étapes du circuit : l'arrestation et l'arrivée au Goulag.

La première partie, appelée par l'auteur : "L'industrie pénitentiaire", fait le récit stupéfiant des premières épreuves subies par les cibles, aussi nombreuses que variées, du gouvernement russe. Aucun homme, aussi proche des idées de l'Etat soit-il, ne saurait être à l'abri : intellectuels, scientifiques, militaires, nepmen, ouvriers, paysans, étudiants, anciens prisonniers de guerre, tous, absolument tous peuvent tomber dans les mailles du filet des organes, sorte de milice gouvernementale ayant pour fonction de piéger ses hommes et de les conduire hors de la civilisation. Après l'arrestation viennent les premiers séjours dans les prisons d'Etat, et les interrogatoires. La torture, qui avait totalement disparu au temps du tsar Nicolas II, est redevenue l'outil principal de ces policiers d'un autre temps,et soutire aux plus innocents d'entre ces prisonniers les aveux qu'on leur demande. De prisons en tribunal, de tribunal en wagons de trains, ils partent tous, encore hébétés, vers l'archipel du Goulag, lieu de non-existence suprême pour ceux que l'on a retranchés du genre humain. Nous arrivons à la deuxième partie, consacrée à la découverte des camps de concentration (Hitler n'était pas le créateur qu'on pourrait croire) et à la nouvelle vie réservée aux détenus, faite de travail, de souffrances, de maladie, de faim et de mort.

L'avis du webmaster : Tous les fascismes se ressemblent. On peut s'en assurer aisément en comparant l'oeuvre de Soljénitsyne et celle de son homologue Italien Primo Lévy (Si c'est un homme). On retrouve dans ces deux témoignages la même organisation froide et systématique, les mêmes raffinements dans l'horreur, cette même perte d'identité de l'être humain, cette même rage de faire connaître les événements improbables qui les ont déracinés et anéantis. Cependant, l'oeuvre de Primo Lévy s'attachait surtout à nous faire le récit de l'expérience personnelle de l'auteur, dans le cercle, somme toute restreint, du camp de Auschwitz. La vision de Soljénitsyne est plus large. Ayant rassemblé 227 témoignages d'hommes et de femmes de tous les âges et de toutes les conditions, il nous offre le tableau effroyable de toute une période de l'histoire du communisme soviétique. Au-delà du témoignage d'un qui a vécu ses heures terribles, on découvre ici un véritable documentaire retraçant avec précision l'un des mécanismes les plus essentiels du "règne" de Staline : l'élimination méthodique d'un nombre immense de citoyens de l'U.R.S.S., analysée avec soin dans le cadre d'un véritable travail d'historien ; il ne s'agit plus uniquement de savoir, il est aussi de notre devoir de comprendre ces événements, de les replacer dans le contexte le plus précis, sans admettre l'inexactitude. 

L'oeuvre de Soljénitsyne est admirable autant qu'épouvantable. La force de son contenu est soutenue par le génie méthodique de son auteur, qui utilise de la même façon la compassion, l'humour, la tendresse, l'indignation. Il contribue ainsi à nous rendre plus supportables la cruauté impitoyable de certains passages. L'un des ouvrages les plus importants qui m'ait été donné de lire sur cette période de l'histoire soviétique.

Donnez-nous votre avis de lecteur : 

Remonter