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Cadavre exquis : "Jeu surréaliste consistant à composer collectivement une phrase en écrivant un mot sur un papier que l'on plie avant de le passer au joueur suivant qui doit écrire un autre élément de la phrase." (Petit Robert)

Depuis sa création il y a bientôt un siècle, le principe de ce jeu s'est modifié, ou, plus précisément, s'est élargi. Une émission de France Inter, le dimanche soir, propose à des auditeurs de créer la suite d'une histoire racontée par l'animatrice. D'idée en idée, le récit se développe, change d'orientation et parfois même, de personnage principal. Une façon passionnante de s'essayer à l'art difficile de la création littéraire...

Vous sentez-vous l'âme d'un écrivain ? Si oui, je vous propose de jouer avec moi au cadavre exquis. Chaque semaine, une suite sera sélectionnée parmi vos propositions, que je publierai sur mon site. Puis, de semaines en semaines... qu'adviendra-t-il de notre histoire ? Ce sera à vous de le décider.

 

Quelques règles simples avant de commencer :

1- Bien que je souhaite vous laisser un maximum de liberté au sein de votre récit, il sera malgré tout préférable de préserver la cohérence de l'histoire : donc, attention aux changements inexpliqués de lieu, de narrateur, de personnages, etc.

2- Essayez de ne pas faire trop court. Plusieurs paragraphes peuvent souvent être nécessaires à l'installation d'une ambiance ou d'une intrigue. Pensez à ceux qui prendront votre suite !

3- Vous êtes libres, bien entendu, de décider de donner une fin au récit. A vous de la rendre plausible et "logique", à partir des informations que vous auront apporté les précédents chapitres.

4- Aucune histoire contenant des propos racistes, négationnistes ou autres, à moins qu'ils ne soient jugés utiles à la description d'un personnage ou d'une situation précise, ne saurait être toléré sur ce site.

 

 

Premier récit  |  Second récit

 

Page blanche

Premier épisode

 

-1-

  Quand on n'a rien, on n'a rien à perdre. Etrange comme les petits événements de la vie pouvaient vous renvoyer à ces paroles fredonnées, trop vite oubliées. Alexandre voulait encore croire, parce qu'il était jeune  et plein de beaux projets d'avenir, qu'il n'avait rien de plus à perdre que la perspective de quelques repas chauds engloutis sans joie aucune, dans cet abri précaire que représentait son appartement de la rue des Saules. Il se sentait encore libre de refuser ce confort qu'il méprisait. Il se sentait solide. Il se sentait prêt à tout.

   Il rendit les clés à son vieux propriétaire un matin brumeux de novembre, puis prit la route, heureux de s'être découvert un horizon. Il marcha longtemps, et ses semelles collaient au macadam humide comme pour ralentir ses pas. Il ne souhaitait, pour l'instant, rencontrer personne. Son histoire, qu'il tenait pour être la plus extraordinaire qu'il eût jamais vécue, semblait encore trop fragile pour la partager avec le premier venu. Les mains profondément enfoncées dans ses poches, il avançait dans la brume en pensant que l'océan, pour commencer, ne serait pas un si mauvais endroit, pour ce qu'il avait à y faire. Il lui restait encore assez d'argent pour prendre le premier train.

   Il traversa à un carrefour et prit la direction de la gare. Autour de lui les passants commençaient à circuler en aveugles, mal accueillis par la froideur glaciale du jour gris qui dégringolait en pluie d'automne sur leurs imperméables. Alexandre longeait les flaques avec l'enthousiasme d'un écolier au premier jour des vacances, il escaladait les trottoirs, enjambait les caniveaux noyés par l'eau sale, et souriait de toute la force de sa naïveté au visage rogue des inconnus cravatés. Tout se passait, jusqu'ici, admirablement bien.

   Il arriva enfin sur la longue esplanade verte et rose, derrière laquelle se dressait les vieux bâtiments de la vieille gare moulée dans la pierre. Quelques bancs publics, rivés aux dalles de faux marbre, une grosse statue moderne au milieu, qu'il fallait contourner pour atteindre les grandes portes à tambour, et l'on gagnait la tiédeur bruyante de la gare Saint-Joseph. Alexandre se dirigea tout de suite vers les guichets en tâtant son portefeuille d'une main fébrile. Pour la première fois, il allait utiliser son argent pour construire l'oeuvre de sa vie, et il se sentait fier autant que travaillé par une vive appréhension. En interrogeant l'employé sur le prochain train en partance vers l'océan, il se demanda s'il saurait en être digne. Il chercha un encouragement dans les yeux de son morne interlocuteur qui tapotait les touches de son clavier d'ordinateur, et se heurta au silence renfrogné du guichetier.

   Une fois son billet en poche, Alexandre resta un moment au milieu du hall, pensif et indécis. Son train partait dans deux heures, deux heures qu'il devait employer afin de ne pas se donner l'occasion de trop réfléchir à sa folle décision, de crainte de la voir perdre tout son charme. Il se méfiait de lui-même, et de l'attraction que pourrait exercer sur lui la réalité crue de l'existence. 

   "Non, cette fois, pensait-il, je vais jusqu'au bout."

   Jusqu'au bout. Cela tournait en rond dans sa tête, envahissait toutes les fibres de son corps.

   "Jusqu'au bout" 

   "Quand on n'a rien, on n'a rien à perdre"

   Caressant d'une main furtive son billet de train, Alexandre sortit du hall et se dirigea vers le café le plus proche.

A suivre...

 

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Le dernier roi

Premier épisode

 

-1-

  Théo Lanzmann referma le livre poussiéreux d'un geste agacé. Rien. Pas une ligne. Il savait pourtant que ses recherches le menaient quelque part, même si aucune source, qu'elle fût historique ou bien mythologique, ne venait étayer ses conclusions. Ce qu'il avait découvert il y a trois ans dans le désert, nul n'en avait été témoin auparavant. Théo Lanzmann était le premier.

   Quelques instants plus tard, il ramena l'ouvrage épais à la bibliothécaire, qui lui jeta un coup d'oeil désolé. Depuis huit mois qu'il fréquentait ce centre de recherches, aucun des innombrables trésors regroupés ici n'avait pu lui rendre l'espoir. La jeune femme avait connu beaucoup de ces scientifiques enthousiastes, acharnés dans leur travail, ne se reposant que lorsque cela devenait absolument nécessaire. Elle avait vu ces hommes emplis de confiance et d'énergie perdre petit à petit l'espoir, et rentrer dans leur tanière, un beau jour, la tête basse et le regard éteint. Dans quelques semaines, peut-être moins, elle assisterait à la même reddition pour le professeur Lanzmann, et la sympathie qu'elle ressentait pour lui n'en était que plus vive. Elle souhaitait qu'il réussisse enfin.

   Le professeur Lanzmann, cependant, semblait ignorer ce mouvement d'affection. Il sortit du bâtiment après l'avoir brièvement saluée, et, plongé dans ses réflexions, il prit le chemin de son appartement. La nuit était tombée.

   Ecrasé de fatigue, Lanzmann s'écroula sur son lit sans même prendre la peine de refermer sa porte à double tour. L'appartement étroit était encombré de poteries et de manuscrits divers, son matelas, posé à même le sol, était envahi de bloc-notes noircis, fruit de ses interminables recherches. A cet envahissant labeur, il avait tout sacrifié : sa femme, partie un matin de juillet, sa chaire de professeur, ses amis, ses collègues, son ancienne vie. Et il ne pouvait supporter l'idée que tant de solitude ne pouvait se solder que par un échec.

   Il avait découvert le témoignage d'une civilisation inconnue, perdue depuis des millénaires. Cette empreinte, celle du dernier des rois de ce monde oublié, était gravée dans son coeur. Au moment de plonger à corps perdu dans le sommeil, il la voyait tournoyer devant ses yeux, puis s'éloigner et disparaître. Non, il ne renoncerait pas. Il ne renoncerait jamais.

A suivre...

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