La pitié
dangereuse fut le seul roman de Stefan Zweig. Ecrit à la
veille de la Seconde guerre mondiale, il nous présente, d'une
part, le portrait d'une petite ville autrichienne en 1913, et
d'une façon plus large, celui de l'Autriche toute entière peu
avant la chute de l'Empire austro-hongrois, dont la capitale est
encore à l'époque un carrefour de civilisations et de
cultures.
Il évoque aussi, et
c'est ce qui compose l'intrigue principale de l'oeuvre, le cas
presque pathologique d'un jeune officier Autrichien victime de
sa pitié pour une jeune femme paraplégique. Ce sentiment que
l'on présente habituellement comme une vertu (la miséricorde
chrétienne), devient ici le rouage essentiel du drame.
Grand ami de Freud,
Stefan Zweig s'est toujours efforcé de développer dans
son oeuvre l'aspect psychanalytique des personnages et des
situations, qui devient souvent ainsi l'élément essentiel de
l'intrigue, au-delà de toute considération d'ordre historique.
Le joueur d'échecs, par exemple, dépeint les
souffrances et les traumatismes d'un homme qui, ayant été
capturé par les nazis, vécut dans un isolement total, privé
de tous les objets qui composent notre existence d'être humain
: une table, une chaise, un livre, du papier, un stylo. La geôle
dans laquelle il est maintenu devient alors un véritable
terrain expérimental : privé de toutes ces choses qui
contribuent à nourrir et entraîner son esprit,
qu'adviendra-t-il de cet homme ? Quels changements pourrons-nous
constater en lui ?
Pour son seul et
unique roman, Zweig décrit les étapes d'une autre expérience
: confronter un jeune homme au coeur tendre à la misère
humaine, et lui donner les moyens de la soulager, au moins
partiellement, au prix du douloureux sacrifice de sa propre
existence sentimentale. Quel sera le choix de notre héros ?
"Il y a deux
sortes de pitié. L'une, molle et sentimentale, qui n'est en
réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser le plus
vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la
souffrance d'autrui, qui n'est pas du tout la compassion, mais
un mouvement instinctif de défence de l'âme contre la
souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la
pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu'elle
veut et est décidée à persévérer jusqu'à l'extrême limite
des forces humaines." (La pitié dangereuse,
prologue)
L'histoire : En 1913, dans une
petite ville de garnison autrichienne, Anton Hofmiller, jeune
officier de cavalerie, est invité dans le château du riche
Kekesfalva. Au cours de la soirée, il invite la fille de son
hôte à danser, ignorant qu'elle est paralysée. Désireux de
réparer sa "gaffe", Anton, pris de pitié pour
l'infirme, multiplie bientôt ses visites. Edith de Kekesfalva
cache de plus en plus mal l'amour que lui inspire le bel
officier, qui lui ne s'aperçoit de rien, jusqu'au moment où il
sera trop tard. Car est dangereuse la pitié "qui n'est en
réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser le plus
vite possible de la pénible émotion qui vous étreint devant
la souffrance d'autrui".
L'avis du
webmaster : Il s'agit
sans aucun doute de la plus belle oeuvre de Stefan Zweig.
L'originalité du thème, la complexité des personnages, le
déroulement impitoyable du drame jusqu'à son dénouement
inévitable font de ce roman un chef-d'oeuvre incontestable,
tantôt émouvant, tantôt dur et cruel. On y découvre
également la peinture nostalgique d'une civilisation bientôt
morte et condamnée par l'histoire.
L'oeuvre de Stefan Zweig ne se
laisse pas oublier. Dérangeante par la vision qu'elle donne de
l'âme humaine, de ses faiblesses que l'on veut déguiser en
vertus, elle nous poursuit bien après avoir achevé sa lecture.
Et si l'on veut être honnête avec soi-même, il n'est pas
possible de ne pas compatir aux tourments de ce jeune officier,
et de partager avec lui ses indécisions et ses erreurs.
Un roman ambigu et puissant, qui
frappe par son intelligence et la justesse de son analyse.
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votre avis de lecteur :
Ils
ont donné leur avis !
Isabel,
23 ans, Monaco
J'ai
lu ce roman en allemand il y a des années et j'étais
toute contente d'avoir enfin trouvé la version française.
Il n'y a pas un seul livre qui m'aurait marqué
comme ceci. L'histoire fait réfléchir, le langage
poétique de Zweig fait rêver. Et l'ensemble fait
qu'on n'oubliera jamais ce roman.
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